Dans le cadre du projet « Accompagner parlementaires, institutions nationales des droits de l’homme et des organisations et société civile vers l’abolition de la peine de mort dans les pays clés de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MONA) », la Coalition tunisienne contre la peine de mort (CTCPM) a organisé en partenariat avec Ensemble contre la peine de mort (ECPM) une table ronde virtuelle intitulée « La peine de mort et les moyens d’actions des parlementaires » le 3 juillet 2020. Plusieurs parlementaires et anciens parlementaires ont évoqué les expériences tunisienne et marocaine. Cette réunion visait à échanger sur les expériences entre les pays du Maghreb, les initiatives législatives visant à réduire le champ d’application de la peine de mort, les conditions de détentions des condamnés à mort et l’abolition de la peine de mort. En étant au cœur des débats publics et des processus législatifs, les parlementaires ont joué dans nombre de pays un rôle clé pour aller vers l’abolition de la peine de mort ou pour favoriser les avancées en matière de droit de l’homme. En Tunisie, lors de la dernière législature, plus de 30 parlementaires avaient signé un appel à abolir la peine de mort. Au Maroc, un réseau parlementaire a été constitué de 250 membres en 2012.

Chokri Latif, président de la CTCPM, a insisté sur la réforme législative : amender toute nouvelle disposition législative prévoyant la peine de mort, réviser le Code pénal et le Code de justice militaire, réduire le nombre de crimes passibles de la peine de mort. Il a également rappelé l’importance d’encourager le pouvoir exécutif à ne pas renoncer à ses engagements internationaux en matière de droits de l’homme : vote en faveur de la Résolution de l’Assemblée générale des Nations unies appelant à un moratoire universel et travail auprès des mécanismes internationaux de protection des droits de l’homme. Chokri Latif a invité les parlementaires à unir leurs efforts en vue de former un réseau parlementaire indépendamment de toute considération relative aux affiliations et affinités politiques. Il a également exposé la situation des condamnés à mort et a rappelé le manque de transparence de l’Etat sur les chiffres et les données relatives à la peine de mort et aux détenus. Il a finalement évoqué sa rencontre avec la ministre de la Justice le 26 juin 2020 à l’occasion de la Journée internationale pour le soutien aux victimes de la torture.

Julia Bourbon Fernandez, coordinatrice du projet Moyen-Orient Afrique du Nord d’ECPM a indiqué que cette année était une année particulière marquée par le vote de la Résolution de l’Assemblée générale des Nations unies. La Tunisie vote en faveur de cette résolution tous les deux ans depuis 2012. Les parlementaires peuvent jouer un rôle central en amont du vote, en posant notamment des questions orales en vue de mieux connaitre les intentions de vote des autorités.

L’actuelle députée et avocate Leila El-Haddad a souligné l’importance du rôle de la société civile et son expérience dans le domaine des droits de l’homme. Les parlementaires comptent profiter de cette expérience au sein de la Commission des droits, des libertés et des relations extérieures au cours de cette session parlementaire.

L’avocate et ancienne députée Bochra Bel Haj Hmida a précisé qu’avant les dernières élections législatives, un projet de code des libertés et des droits individuels était à l’ordre du jour de la Commission des droits, des libertés et des relations extérieures et qu’il est important de capitaliser sur ce projet. Elle a aussi insisté sur la problématique du dossier personnel de l’accusé constitué par la cour criminelle, destiné à éclairer les juges sur le passif de l’accusé. Contrairement à d’autres pays, l’élaboration de ce dossier est négligée en Tunisie alors qu’il pourrait être un moyen de prévention de la criminalité.

Nouzha Skalli, ancienne ministre, porte-parole du Réseau des parlementaires contre la peine de mort au Maroc, est revenue sur l’histoire de la mobilisation parlementaire au Maroc et a évoqué la question du délai de prescription.

Noureddine Benissad, président de la Ligue algérienne des droits de l’Homme a évoqué la situation de l’Algérie qui connait un moratoire sur l’application de la peine de mort depuis 1992. Concernant les initiatives de mise en place de réseaux parlementaires, le parti démocratique algérien avait initié une loi en 2007 qui n’a jamais aboutie.

Les participants à la réunion ont convenu d’organiser de prochaines rencontres de parlementaires en Tunisie et dans la région afin de démultiplier les synergies et d’appuyer le plaidoyer visant à aller progressivement vers l’abolition de la peine de mort.